Crise de civilisation, crise de la démocratie
Longtemps érigé au rang d’idéal, le modèle occidental de civilisation est aujourd’hui fortement remis en question. En cause deux crises majeures :
- La première environnementale, dans laquelle il a entraîné toute la planète : réchauffement climatique, effondrement de la biodiversité, pollutions envahissantes, auxquels s’ajoutent l’épuisement des ressources géologiques et la menace pandémique ;
- La seconde sociale : l’amoindrissement des mesures de protection et de redistributionentraîne une montée des inégalités sans précédent dans l’histoire récente, aboutissant à la précarisation d’une part croissante de la population.
Dans ce contexte, la jeunesse se sent sacrifiée, ses perspectives d’avenir étant pour la première fois plus sombres que celles de ses parents. Avec pour conséquence de plus en plus de cas de dépressions ou à l’inverse de violences destructrices.
Plus généralement, les citoyens se sentent dénués de pouvoir-faire, d’où une participation électorale le plus souvent déclinante ou un rejet qui favorise le vote protestataire et donc la montée des extrêmes, particulièrement ceux qui promeuvent l’autoritarisme et le repli identitaire. Pour répondre aux attentes de cet électorat radicalisé, les politiques se font plus répressives, multipliant les atteintes aux libertés.
Ainsi la démocratie libérale n’est-elle désormais plus considérée en vigueur que dans une trentaine de pays. Pourtant, les sondages montrent que la majeure partie de l’humanité y aspire toujours.
En France, ce sont surtout les jeunes qui s’abstiennent lors des élections, plus particulièrement ceux des quartiers populaires, alors qu’ils pratiquent un engagement citoyen sous d’autres formes, principalement dans le milieu associatif. Et lorsqu’on les interroge, il ressort que c’est la démocratie représentative à laquelle ils ne croient plus, 45% d’entre eux souhaitant une démocratie directe.
Influence délétère des médias de masse
Dans cette situation, le rôle des médias de masse est déterminant :
- Alors que le fondement du choix démocratique rationnel est l’information et le débat, la course à l’audience incite ces médias à privilégier l’information à sensation et, dans les débats, le clash. Autrement dit, ils cherchent en permanence à susciter l’émotion, alors que pour Condorcet, l’un des philosophes des Lumières pères de la démocratie, le citoyen ne peut jouer son rôle qu’en s’élevant au-dessus des passions.
- Quant aux réseaux sociaux, considérés comme lieu d’expression et donc de mesure de l’opinion publique, le fait que leur modèle économique soit fondé sur la publicité conduit à un filtrage de l’information qui restreint la diversité des points de vue auquel l’usager a accès, nuisant au débat contradictoire que demande la démocratie.
Au final, c’est la question du vivre-ensemble qui se trouve posée.
Médias citoyens locaux : redonner du pouvoir-faire
Initié dans le mouvement du journalisme citoyen apparu avec internet, le projet de l’association Transmu vise à revitaliser la pratique démocratique, en agissant d’abord au niveau local.
La démarche, fondée sur l’idée de Média Citoyen Local (MCL), consiste à animer des espaces numériques d’information, d’expression et de débat, et à former les citoyens à leur usage pour qu’ils deviennent acteurs du changement.
- Média : espace d’expression, d’échange et de dialogue pour répondre à un besoin manifeste d’une part importante des membres du corps social ;
- Citoyen : leur permettant de débattre des questions impactant leur quotidien, dans l’objectif de mieux vivre ensemble ;
- Local : en traitant en particulier celles qui concernent leur communauté de vie, pour lesquelles chaque individu ayant une connaissance pratique du terrain peut contribuer à faire émerger une réponse. De plus la connaissance réciproque des participants résultant de relations physiques et pas seulement numériques, contribue à établir un lien de confiance essentiel dans la société d’aujourd’hui.
À la différence des réseaux sociaux, un MCL est centré sur l’éditorial, à la différence d’un journal, il est conçu pour organiser le débat. Quant à l’échelon local, permettant la rencontre en présence sans écran, il facilite l’établissement d’un lien de confiance utile au dialogue et donc au débat constructif. Le MCL donne à la pratique démocratique un ancrage sur le terrain dont elle sortira renforcée.
En cela, le MCL favorise la cohésion sociale ; mais c’est également un moyen de développement local , puisque la participation au collectif permet aux individus de révéler leur singularité, autrement dit leur richesse potentielle. C’est donc aussi un facteur de lutte contre l’exclusion .
Un ensemble cohérent d’actions concrètes
Transmu bénéficie de 20 ans d’expérience, au cours desquels ont été conçus et testés plusieurs dispositifs pour répondre aux besoins identifiés. Le projet qui en résulte vise à créer une dynamique territoriale, pour faire vivre des médias citoyens locaux de jeunes .
Trois besoins essentiels pour la participation ont été pris en compte : l’un quantitatif, la mobilisation des publics en nombre ; les deux autres qualitatifs, leur formation par des méthodes d’éducation populaire à l’expression et au débat d’une part, aux usages du numérique d’autre part.
Cela a conduit à construire un socle avec des interventions en milieu scolaire et périscolaire, qui permettent de toucher tous les jeunes d’un territoire et leurs familles, mais aussi d’identifier plus facilement les personnes en besoin d’inclusion.
4 actions cohérentes ont ainsi été mises en œuvre, qui se répartissent suivant deux axes :
- L’axe 1 destiné aux jeunes, prioritairement centré sur l’expression et l’échange, avec des actions de participation à des médias d’établissement, préfigurant les MCL, et de prévention du décrochage scolaire ;
- L’axe 2 visant plutôt leurs parents, mettant l’accent sur la compréhension, avec des actions d’initiation au numérique et de soutien à la parentalité en matière d’éducation aux médias.
Perspectives
La finalité de Transmu est de faire essaimer ces quatre actions en les faisant porter par les réseaux de l’éducation populaire, MJC et centres socioculturels notamment, avec lesquels elle a déjà mené une première expérience de Médias Citoyens Locaux (voir l’historique en annexe).
Dans cette perspective, l’activité de Transmu évolue pour consister à présent en :
- formation d’animateurs intervenant auprès des publics pour chacune des actions;
- fourniture d’outils numériques nécessaires aux actions Peace et initiaTIC ;
- animation d’échanges de pratiques au sein des réseaux de l’éducation populaire, de façon à soutenir les animateurs et permettre l’évolution des actions, l’adaptation des outils.
Ainsi, l’association s’organise-t-elle pour passer progressivement, dans les 2 prochaines années, d’une activité principale d’animation financée par des subventions, à celle de formation financée par les fonds de la formation professionnelle. Durant cette période, en parallèle de l’activité d’animation qui ira décroissant, l’équipe travaillera à la finalisation des dispositifs de formation, pour lesquels elle devra obtenir la certification Qualiopi, au développement des outils numériques et au tissage des partenariats avec les réseaux pour lesquels seront assurées les formations.